Etudes scientifiques

Une étude conduite dans la vallée de Vinschgau (Tyrol du Sud, Italie), la plus grande zone de production de pommes d'Europe, a démontré que la contamination des environnements alpins par les pesticides est quasiment généralisée. Les chercheurs ont ainsi détecté un total de 27 pesticides (10 insecticides, 11 fongicides et 6 herbicides) provenant principalement de vergers de pommiers. Ils ont mis en évidence que le nombre de résidus et leurs concentrations diminuent avec l'altitude et la distance par rapport aux vergers. En outre, la cartographie prédictive basée sur la détection indique que les mélanges de pesticides peuvent être présents partout, du fond de la vallée aux sommets des montagnes..

Brühl, C.A., Engelhard, N., Bakanov, N. et al. Widespread contamination of soils and vegetation with current use pesticide residues along altitudinal gradients in a European Alpine valley. Commun Earth Environ 5, 72 (2024). https://doi.org/10.1038/s43247-024-01220-1


Selon une étude publiée dans Pest science en 2023, les données à long terme soulignent que les abondances régionales d'insectes ont diminué au cours des dernières décennies dans les paysages agricoles intensifs, avec des effets fondamentaux sur les chaînes trophiques.

Ainsi, les paysages soumis à une gestion agricole intensive témoignent d'un déclin substantiel dans plusieurs groupes taxonomiques d'insectes (95,1% de perte de biomasse totale en 24 ans). A l'inverse, les données sur les pucerons montrent des abondances annuelles globalement plus élevées, dont les auteurs estiment qu'elles sont étroitement associées à la perte de biodiversité locale (surtout liée à la disparition des habitats semi-naturels). 

Ziesche, T.M., Ordon, F., Schliephake, E. et al. Long-term data in agricultural landscapes indicate that insect decline promotes pests well adapted to environmental changes. J Pest Sci (2023). https://doi.org/10.1007/s10340-023-01698-2

Une étude parue en août 2021 résume les connaissances actuelles sur les résidus de glyphosate et de son principal métabolite, l'AMPA, dans l'environnement aquatique, y compris son statut et ses effets toxiques sur les organismes aquatiques.  

Au terme de leur recherche, les auteurs ont identifié les principales lacunes dans les connaissances actuelles et quelques orientations pour les recherches futures sur les effets de l'utilisation mondiale de l'herbicide glyphosate et de son principal métabolite. Selon eux, l'effet toxique de ces substances a principalement influencé la croissance, le développement précoce, les biomarqueurs du stress oxydatif, les enzymes antioxydantes, les indices plasmatiques hématologiques et biochimiques, et a également provoqué des changements histopathologiques chez les organismes aquatiques.

Ils en concluent que les concentrations retrouvées à des niveaux très élevés ont un impact sur la vie du milieu aquatique et que des informations plus détaillées sur l'écotoxicité devraient être évaluées.

Tresnakova N, Stara A, Velisek J. Effects of Glyphosate and Its Metabolite AMPA on Aquatic Organisms. Applied Sciences. 2021; 11(19):9004. https://doi.org/10.3390/app11199004

Selon une étude parue en juin 2021, le cuivre est utilisé avec succès sous forme de sulfate comme fongicide pour lutter contre les maladies de la vigne depuis 150 ans, mais l'accumulation importante de Cu dans les vignobles peut altérer la vie du sol. Bien que les apports réels de cuivre soient environ dix fois inférieurs à ce qu'ils étaient il y a 50 ans, l'utilisation du cuivre dans le contexte de la transition agroécologique fait toujours l'objet de débats. En effet, le cuivre est l'un des rares pesticides autorisés dans l'agriculture biologique. 

Ainsi, des chercheurs ont réalisé une méta-analyse sur l'écotoxicité du Cu en sélectionnant 19 articles sur 300 articles relatifs au cuivre et à la qualité biologique des sols. Les résultats montrent que l'activité microbienne diminue de 30 % lorsque plus de 400 kg de Cu sont appliqués annuellement par hectare. L'abondance des nématodes est restée inchangée pour des applications de cuivre allant jusqu'à 3200 kg/ha/an. La reproduction des collemboles et des enchytraeidés a diminué de 50 % après l'application de 400 et 1895 kg Cu/ha/an, respectivement. La biomasse des vers de terre a été réduite de 15 % après l'application de 200 kgCu/ha/an. Pour des niveaux de Cu dans le sol supérieurs à 200 kg Cu/ha, la respiration microbienne a diminué de 50 % et aucun effet n'a été observé sur les collemboles. 

Dans l'ensemble, bien qu'une toxicité soit observée, les études bibliographiques correspondantes impliquent des niveaux de Cu qui sont au moins 50 fois supérieurs à la dose de 4 kg Cu/ha/an actuellement autorisée par la Commission européenne pour la viticulture. La conclusion est donc sans appel:  l'application de cuivre à raison de 4 kg/ha/an ne devrait pas modifier de manière substantielle la qualité et les fonctions biologiques du sol.

Karimi, B., Masson, V., Guilland, C. et al. Ecotoxicity of copper input and accumulation for soil biodiversity in vineyards. Environ Chem Lett 19, 2013–2030 (2021).

À la différence de ce qui est fait pour les milieux aquatiques et l’atmosphère, la surveillance de la contamination des sols par les pesticides n’est pas prévue à l’échelle du territoire.

En se basant sur le Réseau de mesures de la qualité des sols (RMQS), des chercheurs de l'INRAE avec des scientifiques de l'université de Bordeaux ont pu mesurer la persistance de ces substances et les risques associés pour la biodiversité des sols.

Les résultats sont que 98 % des sites étudiés présentent au moins 1 substance. Au total, 67 molécules différentes ont été retrouvées, majoritairement des fongicides et des herbicides. 

Les parcelles de grandes cultures sont les plus contaminées, avec jusqu’à 33 substances différentes retrouvées dans un seul site, et une moyenne de 15 molécules dans les sols. Plus inattendu, dans les sols sous forêts, prairies permanentes, en friche ou en agriculture biologique depuis plusieurs années, plus de 32 pesticides différents ont été détectés, à des concentrations majoritairement plus faibles que pour les sites en grandes cultures. 

Les molécules les plus fréquemment détectées sont le glyphosate et l’AMPA, son métabolite principal, présents dans 70 % et 83 % des sols prélevés. Des fongicides de la famille des triazoles (époxiconazole) ou des fongicides inhibiteurs succinate deshydrogénase (SDHI) sont également retrouvés dans plus de 40 % des sites, tout comme des insecticides de la famille des pyréthrinoïdes comme la téfluthrine. 

Si les herbicides contribuent le plus aux concentrations totales en pesticides retrouvées dans les sols, le risque majeur estimé pour les vers de terre est dû aux insecticides et aux fongicides. Les risques de toxicité chronique pour ces vers de terre sont modérés à forts pour toutes les parcelles cultivées.

Ces travaux démontrent une persistance inattendue des molécules de pesticides dans l’environnement, bien au-delà de leur temps de dégradation théorique et à des concentrations supérieures à celles escomptées. Ces résultats soulignent un besoin accru de surveillance des sols.

Source: INRAE.

Froger C., Jolivet C., Budzinski H. et al. (2023). Pesticide Residues in French Soils: Occurrence, Risks, and Persistence. Environmental Science & Technology, 57, 20, 7818-27, DOI: 10.1021/acs.est.2c09591  

Dans le cadre du programme Ecophyto II+, les ministères en charge de la Transition écologique, de l’Agriculture et de la Recherche ont confié en 2020 à INRAE et l’Ifremer le pilotage d’une expertise scientifique collective sur les impacts de ces produits sur la biodiversité et les services écosystémiques, depuis leurs zones d’épandage jusqu’au milieu marin, en France métropolitaine et en outre-mer. Les conclusions de cette expertise sont que :

- les PPP contaminent toutes les matrices environnementales, des milieux terrestres, aux milieux aquatiques et marins – notamment côtiers ;

- les PPP contribuent au déclin de certains groupes biologiques;

- les effets des PPP ont des conséquences sur les fonctions écosystémiques, et altèrent la capacité des écosystèmes à fournir des services.

Ces travaux mettent aussi en avant des besoins de recherche complémentaires pour mieux quantifier l’impact de ces produits sur l’environnement. Ils soulignent par ailleurs l’existence de plusieurs leviers, liés à la réglementation, aux pratiques d’utilisation des produits et à la structure des paysages agricoles, efficaces pour limiter cette contamination et ses impacts, tout en garantissant la protection des récoltes.

Laure Mamy, Stéphane Pesce, Wilfried Sanchez, Marcel Amichot, Joan Artigas, et al.. Impacts des produits phytopharmaceutiques sur la biodiversité et les services écosystémiques. Rapport de l’expertise scientifique collective. [Rapport de recherche] INRAE; IFREMER. 2022, 1408 p.

La lutte biologique contre les ravageurs est un outil fondamental, et les fourmis sont des acteurs clés qui fournissent des services écologiques, ainsi que certains services secondaires. 

Cette étude, publiée le 17 août dans la revue Proceedings of the Royal Society – Biology a étudié la contribution des fourmis à la lutte biologique, en considérant leurs effets sur l'abondance des ravageurs et des ennemis naturels, les dommages aux plantes et le rendement des cultures. 

Dans l'ensemble (en tenant compte de toutes les méta-analyses), à partir de 52 études sur 17 cultures différentes, les chercheurs ont constaté que les fourmis diminuent l'abondance des ravageurs non producteurs de miellat, réduisent les dommages aux plantes et augmentent le rendement des cultures (services). En outre, les fourmis diminuent l'abondance des ennemis naturels, principalement les généralistes, et augmentent l'abondance des ravageurs producteurs de miellat (disservices). L'étude montre que le contrôle des ravageurs et la protection des plantes fournis par les fourmis sont renforcés dans les cultures ombragées par rapport aux monocultures. De plus, les fourmis augmentent le rendement des cultures à l'ombre, et cet effet augmente avec le temps. Enfin, les chercheurs apportent de nouvelles idées telles que l'importance des cultures ombragées pour les services des fourmis, fournissant ainsi un bon outil pour les agriculteurs et les parties prenantes qui envisagent des pratiques agricoles durables.

Diego V. Anjos, Alejandro Tena, Arleu Barbosa Viana-Junior, Raquel L. Carvalho, Helena Torezan-Silingardi, Kleber Del-Claro and Ivette Perfecto, The effects of ants on pest control: a meta-analysis, published:17 August 2022https://doi.org/10.1098/rspb.2022.1316

Une nouvelle étude, conduite par des chercheurs américains, canadiens et britanniques, publiée, le 17 août 2022 dans la revue Frontiers of Insect Science met encore en lumière les effets précis de l'exposition des abeilles domestiques à certaines substances.

Les abeilles utilisent des informations visuelles sur le mouvement dans un champ large pour calculer la distance qu'elles ont parcourue depuis la ruche, et ces informations sont communiquées aux congénères lors de la danse de l'agitation. Les insecticides de traitement des semences, y compris les néonicotinoïdes et les nouveaux insecticides comme le sulfoxaflor, ont des effets néfastes sur les abeilles sauvages et domestiques, même lorsqu'ils sont présents en quantités sublétales. Ces effets comprennent des déficiences dans la navigation en vol et la capacité de retour à la maison, ainsi qu'une diminution de la survie des abeilles ouvrières exposées. Les insecticides néonicotinoïdes perturbent la détection visuelle des mouvements chez le criquet pèlerin, ce qui entraîne une altération des comportements de fuite, mais il n'avait pas encore été démontré que les insecticides utilisés pour le traitement des semences perturbent la détection des mouvements en champ large chez l'abeille domestique. 

L'étude montre ici que l'exposition sublétale à deux insecticides couramment utilisés, l'imidaclopride (un néonicotinoïde) et le sulfoxaflor, entraîne une altération du comportement optomoteur chez l'abeille domestique. Cet effet comportemental est corrélé à une altération de l'expression des gènes de stress et de détoxification dans le cerveau. L'exposition au sulfoxaflor a entraîné des augmentations éparses de l'apoptose neuronale, localisées principalement dans les lobes optiques, alors que l'imidaclopride n'a eu aucun effet. 

Chronic exposure to insecticides impairs honeybee optomotor behaviour, Front. Insect Sci., 17 August 2022, Sec. Insect Neurobiology.

Protéger les cultures des maladies pour assurer une bonne production agricole tout en limitant l’usage des pesticides est au cœur des enjeux de la transition agricole. Stimuler l’immunité naturelle des plantes pour qu’elles puissent se prémunir des attaques de pathogènes en constitue un des leviers. Des scientifiques d’INRAE, du CNRS et de l’Inserm ont « appris » au riz à utiliser un leurre, qu’il possède naturellement.

INRAE & CNRS, Communiqué de presse, 22 mars 2022.

L'objectif de l'étude était de déterminer les niveaux de glyphosate dans la population générale française et de rechercher une association avec les saisons, les caractéristiques biologiques, le mode de vie, les habitudes alimentaires et l'exposition professionnelle. Cette recherche a inclut 6848 participants recrutés entre 2018 et 2020. Les données associées comprennent l'âge, le sexe, le lieu de résidence, le statut professionnel et les informations sur le régime alimentaire. 

Les résultats obtenus soutiennent une contamination générale de la population française, le glyphosate étant quantifiable dans 99,8% des échantillons d'urine avec une moyenne de 1,19 ng/ml + / - 0,84 après ajustement à l'indice de masse corporelle (IMC). Les auteurs confirment aussi des niveaux de glyphosate plus élevés chez les hommes et les enfants. 

Les conclusions suggèrent une contamination au glyphosate par l'alimentation et l'eau, car des niveaux de glyphosate plus faibles sont associés à une consommation dominante d'aliments biologiques et d'eau filtrée. Enfin, une exposition professionnelle plus élevée est confirmée chez les agriculteurs et les exploitants travaillant dans un environnement viticole. 

Grau, D., Grau, N., Gascuel, Q. et al. Quantifiable urine glyphosate levels detected in 99% of the French population, with higher values in men, in younger people, and in farmers. Environ Sci Pollut Res (2022)

L'étude Esteban (Étude de santé sur l'environnement, la biosurveillance, l'activité physique et la nutrition), publiée par Santé publique France le 16 décembre 2021, montre des niveaux d'imprégnation aux pesticides et autres substances en baisse en France métropolitaine. 

L'évaluation s'appuie sur les niveaux d'imprégnation, relevés entre 2014 et 2016, à certains organochlorés, organophosphorés, carbamates, herbicides ainsi qu'au trio PCB-dioxine-furanes. L'agence conclut à un recul global des niveaux d'imprégnation, ceux-ci étant similaires à ceux retrouvés dans la plupart des pays étrangers d'Europe et d'Amérique du Nord, avec des exceptions pour pour le béta-HCH, le métabolite des organophosphorés (DMTP) et le métabolite de la deltaméthrine (Br2CA) qui sont plus élevés en France.

Certaines substances, pour les unes interdites (comme le lindane), sont néanmoins persistantes et se retrouve chez la plupart des adultes ou des enfants. Par exemple, le glyphosate est recensé chez moins de 20 % d'entre eux.

Selon les auteurs de l'étude, une alimentation riche en œufs peut d’avantage exposer aux organochlorés, PCB/dioxines/furanes, alors que les gros consommateurs de viande connaissent des niveaux d’imprégnation en pyréthrinoïdes, PCB/dioxines/furanes plus importants. Le tabagisme (ou l’exposition au tabac) et le recours à des insecticides domestiques sont pour leur part associés à des concentrations plus élevées de pyréthrinoïdes. A l'inverse, la consommation de produits issus de l’agriculture biologique est un facteur de baisse de l’imprégnation en organochlorés, en DMTP (métabolite des organophosphorés), et en pyréthrinoïdes. 

Imprégnation de la population française aux pesticides. Programme national de biosurveillance, Esteban 2014-2016

Cette étude démontre la forte rémanence des pesticides dans les sols, même des années après qu'ils aient cessé d'être épandus.

À ce jour, peu d'études ont évalué la présence de pesticides dans les sols agricoles gérés de manière biologique, et il n'est pas encore établi si ces résidus de pesticides affectent la vie du sol. Cette étude a passé au crible 100 champs sous gestion biologique et conventionnelle avec une méthode analytique contenant 46 pesticides (16 herbicides, 8 produits de transformation d'herbicides, 17 fongicides, sept insecticides). Des pesticides ont été trouvés dans tous les sites, y compris dans 40 champs biologiques. Le nombre de résidus de pesticides était deux fois plus élevé et la concentration neuf fois plus élevée dans les champs conventionnels que dans les champs biologiques. Le nombre et la concentration de pesticides diminuaient significativement avec la durée de la gestion biologique. Même après 20 ans d'agriculture biologique, jusqu'à 16 résidus de pesticides différents étaient présents.  Cette recherche atteste que les pesticides sont une réalité cachée dans les sols agricoles, et qu'ils ont des effets néfastes sur la vie bénéfique du sol.

Riedo J., Wettstein F.E., Rösch A., Herzog C., Banerjee S., Büchi L., et al., 2021, "Widespread occurrence of pesticides in organically managed agricultural soils—the ghost of a conventional agricultural past?", Environmental Science & Technology, 55(5) :2919‑2928. https://doi.org/10.1021/

Le Commissariat général au développement durable (CGDD) a publié les résultats de la campagne nationale exploratoire (CNEP) de surveillance des pesticides dans l'air.  Ce suivi s’est déroulé de juin 2018 à juin 2019 sur 50 sites. 

Les résultats montrent que seulement neuf substances sont fréquemment quantifiées sur les 75 recherchées et confirment la présence des pesticides aussi bien en milieu urbain que rural, généralement au cours des périodes de traitements connues. 

Les concentrations annuelles relevées sont généralement inférieures à 0,1 nanogramme (ng)/m3. 

Selon la première interprétation sanitaire de ces données par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), 32 substances nécessitent des travaux complémentaires pour déterminer avec précision les risques induits par leur présence dans l’air extérieur.

Vers un suivi national des résidus de pesticides dans l’air extérieur. Principaux résultats de la campagne nationale exploratoire, juill. 2021.

Dans un article paru dans Libération le 9 juillet 2021, deux chercheurs de l'Inserm dénoncent le manque d'analyse des effets mutagènes (en particulier sur le génome mitochondrial) des pesticides lors des procédures d'évaluation de mise sur le marché.

Les auteurs d'affirmer : "après la démonstration que les tests cellulaires destinés à tester les pesticides étaient en partie réalisés dans des conditions non informatives, que les animaux utilisés l’étaient souvent en pure perte car ne constituant pas des modèles représentatifs ni pour l’homme, ni pour l’ensemble des organismes vivants exposés aux pesticides, voilà avec ces analyses génétiques totalement déficientes, un troisième trou dans la raquette des analyses réglementaires adoubées par nos agences dites de sécurité tant française (Anses) qu’européenne (Efsa)".

L'expertise collective de l'Inserm met à jour les données de son rapport "Pesticides et santé" de 2013.
En 2021, plus de 5 300 études ont été analysées par un groupe d'experts multidisciplinaire (toxicologues, épidémiologistes, expologues).

Le rapport aborde les liens entre pesticides et une vingtaine de maladies, dont certaines pathologiques spécifiques aux enfants et aux femmes. Il différencie les expositions professionnelles, les expositions des enfants, et les expositions des riverains de zones agricoles

La dernière partie du rapport se concentre sur des familles de pesticides en particulier : la chlordécone, le glyphosate et les SDHi. Pour la chlordécone, le causalité entre l'exposition à cette substance et la survenue d'un cancer de la prostate est jugée vraissemblable. En ce qui concerne le glyphosate, l'expertise estime qu'il existe une corrélation moyenne avec la survenue de lymphomes non hodgkiniens. L'expertise collective déplore le manque de données épidémiologique sur les effets des SDHi. Toutefois des études expérimentales sur les poissons et les rongeurs suggèrent des effets perturbateurs endocriniens et cancérogènes pour l'homme. Le caractère cancérogène des SDHi pour l'homme reste discuté et incertain. 

Globalement, l'expertise confirme les présomptions de lien établies en 2013 entre pesticides et certaines pathologies. Les experts soulignent l'importance de continuer à financer la recherche dans ce domaine, et de réévaluer périodiquement la connaissance sur les liens entre pesticides et santé.

La synthèse de l'étude est déjà disponible sur le site de l'Inserm. L'expertise complète peut être commandée sur le site de l'Inserm.

Collectif, Pesticides et effets sur la santé, Inserm, juin 2021.

Une étude, menée par l’université de Cornell, a mis en évidence qu’une enzyme, la phosphotriestérase (OPT), avait la capacité de protéger les abeilles contre les effets néfastes des pesticides de la famille des organophosphates. L'expérience a montré que les abeilles ayant consommé cette enzyme ont survécu à 100% à l'exposition au malathion, toxique pour ces insectes, là où le groupe témoin affichait un taux de mortalité de 100 % sous cinq jours.

Ce traitement pourrait être intégré dans les aliments complémentaires tels que les galettes de pollen ou le sirop alimentaire pour les pollinisateurs gérés afin de réduire le risque des insecticides organophosphorés.

Chen, J., Webb, J., Shariati, K. et al. Pollen-inspired enzymatic microparticles to reduce organophosphate toxicity in managed pollinators. Nat Food 2, 339–347 (2021). https://doi.org/10.1038/s43016-021-00282-0


Publiée dans la revue Frontiers in Environmental Science, l’analyse a passé systématiquement en revue près de 400 études concernant les effets des pesticides sur les invertébrés non ciblés qui vivent au moins une partie de leur vie dans le sol. Elle a porté sur plus de 275 espèces et 284 pesticides. 

Le constat est que 70,5 % des paramètres testés présentaient des effets négatifs, tandis que 1,4 % et 28,1 % des paramètres testés présentaient des effets positifs ou aucun effet significatif de l'exposition aux pesticides, respectivement. 

L'examen indique que les pesticides de tous types présentent un danger évident pour les invertébrés du sol, quels que soient les paramètres envisagés. 

De ces effets négatifs, découle la nécessité de représenter les organismes du sol dans toute analyse des risques d'un pesticide susceptible de contaminer le sol. Il faudrait aussi atténuer tout risque significatif de dommages causés aux organismes du sol et aux nombreux services écosystémiques importants qu'ils fournissent.

T. Gunstone and al., Pesticides and Soil Invertebrates: A Hazard Assessment, Front. Environ. Sci., 04 May 2021.

L'étude révèle que le fait d'infliger aux feuilles des fraisiers des blessures comparables à celles des ravageurs produits des fruits plus riches en antioxydants. L'expérience a montré une forte augmentation des phénylpropanoïdes (allant jusqu'à 137%) et une surexpression de plusieurs gènes liés à la biosynthèse des composés phénoliques et au transport des sucres. Cela confirme l'idée que les niveaux plus élevés d'antioxydants phénoliques observés dans les fruits et légumes biologiques pourraient être dus au stress biotique attribué aux insectes auxquels les plantes sont exposées.

Ibanez, F., Bang, W.Y., Lombardini, L. et al., Solving the controversy of healthier organic fruit: Leaf wounding triggers distant gene expression response of polyphenol biosynthesis in strawberry fruit (Fragaria x ananassa). Scientific Report, 9, 19239 (2019). https://doi.org/10.1038/s41598-019-55033-w

Publiée le 11 mai 2021 dans la revue Journal of Applied Ecology, l'étude scientifique, coordonnée par l'Inrae, montre que la diversité des communautés d'oiseaux dans les vignobles est favorisée par la combinaison de la gestion biologique des parcelles, de l'enherbement entre les rangs de vigne et de la diversité des habitats semi-naturels composant le paysage (forêts, haies, prairies, autres cultures).

L. Barbaro et alii. (2021), Data for: Organic management and landscape heterogeneity combine to sustain multifunctional bird communities in European vineyards, Dryad, Dataset, Journal of Applied Ecology.


L'étude, réalisée entre 2015 et 2018, a testé 340 échantillons de terres arables agricoles de l'UE pour détecter de multiples résidus de pesticides. Il s'est avéré que les sols des exploitations conventionnelles présentaient des mélanges de résidus de pesticides, avec un maximum de 16 résidus/échantillon ; là où les sols d'exploitations biologiques présentaient des concentrations de résidus de 70 à 90 % inférieures pour les mêmes types de sols, avec un maximum de 5 résidus par échantillon. Les résidus les plus fréquemment détectés dans le sol étaient des herbicides (glyphosate, pendiméthaline). Dès lors que les connaissances sur les effets des mélanges accumulés et complexes de résidus de pesticides sur le biote et la santé du sol sont très lacunaires, les auteurs suggèrent d'introduire dans la législation (sur les sols) des critères de sécurité. Selon eux, le processus de transition vers l'agriculture biologique devrait aussi prendre en considération les mélanges de résidus au moment de la conversion.

V. Geissen et alii, Cocktails of pesticide residues in conventional and organic farming systems in Europe – Legacy of the past and turning point for the future : Environmental Pollution, Volume 278, 1er juin 2021, 116827.

L'étude visait à mesurer les effets à long terme de l'exposition chronique des oiseaux à de faibles doses de pesticides. Dans cette procédure expérimentale, des perdrix grises ont été nourries avec des grains non traités provenant de l'agriculture biologique (sans pesticides) ou conventionnelle (avec pesticides) pendant 26 semaines. Les résultats montrent pour la première fois que l'ingestion de faibles doses de pesticides sur une longue période a des conséquences à long terme sur plusieurs voies physiologiques majeures sans induire toutefois de mortalité différentielle. Les chercheurs suggèrent qu'au regard de l'ampleur actuelle de l'utilisation des pesticides dans les agrosystèmes, les changements importants observés dans les traits du cycle de vie des oiseaux sauvages peuvent avoir un impact négatif à long terme sur leurs populations. Ils soulignent que ces effets longs et diffus ne doivent plus être ignorés dans l'évaluation des risques liés aux pesticides, alors qu'actuellement seuls les effets à court terme sont pris en compte.

J. Moreau et alii., Feeding partridges with organic or conventional grain triggers cascading effects in life-history traits : Environmental Pollution, Volume 278, 1er juin 2021, 116851.

Une étude parue dans Science le 2 avril 2021 montre que les impacts des pesticides sont généralement discutés dans le contexte des quantités appliquées, sans tenir compte des variations importantes pour l'environnement de la toxicité spécifique des substances. L'étude a ici interprété systématiquement les changements dans l'utilisation de 381 pesticides sur 25 ans aux Etats-Unis en considérant 1591 valeurs seuils de toxicité aiguë. Elle a constaté que la toxicité des insecticides appliqués aux invertébrés aquatiques et aux pollinisateurs a considérablement augmenté - ce qui contraste fortement avec la quantité appliquée - et que cette augmentation est due aux pyréthroïdes et aux néonicotinoïdes hautement toxiques. Ces résultats remettent en question les allégations de diminution des impacts environnementaux de l'utilisation des pesticides.

R. Schulz and alii, Applied pesticide toxicity shifts toward plants and invertebrates, even in GM crops, Science  02 Apr 2021: Vol. 372, Issue 6537, pp. 81-84. DOI: 10.1126/science.abe1148

Des chercheurs en Australie ont étudié 59 herbicides, 21 insecticides et 19 fongicides et ont estimé leurs niveaux d'utilisation dans 168 pays en se basant sur des données de l'agence des Nations-Unies chargée de l'alimentation et de l'agriculture (la FAO) et de l'Institut américain de géophysique (USGS).

Ils ont ensuite utilisé un modèle mathématique pour estimer les niveaux de résidus de pesticides dans l'environnement. Il en ressort, selon cette étude publiée dans Nature Geoscience, que 64% des terres agricoles, soit environ 24,5 millions de km2, sont menacées d'être polluées par plus d'un principe actif et 31% sont à haut risque.

Tang, F.H.M., Lenzen, M., McBratney, A. et al., "Risk of pesticide pollution at the global scale" Nature Geoscience, 29 mars 2021.

L'étude a porté sur l'exposition des vers de terre aux pesticides dans un paysage arable en France. Elle a mis en évidence la présence d'au moins un pesticide dans tous les sols et 92 % des vers de terre à la fois dans les cultures traitées et dans les habitats non traités (haies, prairies et céréales en agriculture biologique). Les mélanges d'au moins un insecticide, un herbicide et un fongicide ont contaminé 90 % des sols et 54 % des vers de terre à des niveaux susceptibles de mettre en danger ces organismes bénéfiques non ciblés. Un risque élevé de toxicité chronique pour les vers de terre a été constaté (46 % des échantillons) tant dans les céréales d'hiver traitées que dans les habitats non traités considérés comme des refuges. Cela peut altérer la biodiversité, entraver le rétablissement et nuire aux fonctions de l'écosystème. 

Pelosi C. et al. (2020). Residues of currently used pesticides in soils and earthworms: A silent threat? Agriculture, Ecosystems & Environment 305, 1 January 2021, 107167.


Le lien entre l’exposition à ces pesticides via l’alimentation et le cancer du sein dans la population générale est encore peu étudié. Des chercheurs d’une équipe mixte INRAE, Inserm, Cnam et Université Sorbonne Paris Nord ont déjà montré que les consommatrices d’aliments issus de l’agriculture biologique de la cohorte NutriNet-Santé, avaient un moindre risque de cancer du sein en post-ménopause. Cette même équipe a poursuivi ses travaux en s’intéressant cette fois à l’exposition à différents cocktails de ces pesticides sur cette catégorie de la population. Leurs travaux, parus le 15 mars dans la revue International Journal of Epidemiology apportent un éclairage sur l’impact de l’exposition alimentaire aux pesticides dans la survenue de cancer du sein en post-ménopause.

Les résultats de l'étude suggèrent un lien entre certains profils d’exposition aux pesticides et la survenue de cancers du sein en post-ménopause. Mais pour confirmer ces données, il est primordial d’une part de mener des études expérimentales pour éclaircir les mécanismes impliqués, et d’autre part de confirmer ces résultats dans d’autres populations.

P. Rebouillat et al.., Prospective association between dietary pesticide exposure profiles and postmenopausal breast-cancer risk in the NutriNet-Santé cohort, International Journal of Epidemiology, 15 mars 2021, dyab015.

Selon ce rapport, les exploitations agroécologiques, notamment en agriculture biologique (AB), démontrent de résultats économiques supérieurs par rapport aux exploitations conventionnelles, hors aides publiques. Ces résultats s’expliquent par les économies dues à la réduction des charges liées aux intrants de ces exploitations, ainsi qu’un prix de commercialisation plus élevé. Ainsi pour l’agriculture biologique, les bénéfices observés compensent généralement les coûts induits, dont la baisse de rendement. Ces résultats sont toutefois à relativiser car ils présentent une certaine hétérogénéité en fonction des filières. Les modélisations ont montré que, pour une exploitation céréalière, seul le modèle AB parmi tous les autres référentiels agroécologiques, permettrait des bénéfices à moyen terme. Par ailleurs, l’étude soulève que les coûts liés à la transition sont parfois trop élevés et représentent un véritable frein économique.

A. Grémillet et J. Fosse, Les performances économiques et environnementales de l'agroécologie: France Stratégie, note d'analyse n° 94, août 2020.


Dans le cadre d'une expertise diligentée par l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) une équipe de scientifiques dont des chercheurs de l’Inra a procédé à une évaluation approfondie des alternatives disponibles pour remplacer ces cinq molécules par des options alternatives. 

Les résultats de cette enquête approfondie montrent qu’une solution de rechange efficace à l'utilisation des néonicotinoïdes est disponible dans 96 % des cas. Malheureusement, l'alternative la plus courante aux néonicotinoïdes (89 % des cas) est l'utilisation d'un autre insecticide chimique (surtout des pyréthrinoïdes). Toutefois, dans 78 % des cas, au moins une méthode alternative non chimique peut d’ores et déjà remplacer les néonicotinoïdes, via notamment la lutte biologique, l’usage de produits sémiochimiques ou d’huiles de surface. Il est à noter que la disponibilité en solutions alternatives non chimiques est plus importante pour la lutte contre des ravageurs aériens (chenilles défoliatrices par exemple) que contre des insectes s’attaquant aux troncs ou aux racines des plantes.

H. Jactel et alii, Alternatives to neonicotinoids, Environment International, Volume 129, 2019, Pages 423-429, ISSN 0160-4120.

Cette étude, basée sur une méta-analyse de 343 publications évaluées par des pairs, indique des différences significatives dans la composition entre les aliments à base de cultures biologiques et non biologiques. Les concentrations d'une gamme d'antioxydants tels que les polyphénols, mais aussi les acides phénoliques, les flavanones et les stilbènes, se sont avérées substantiellement plus élevées dans les aliments à base de plantes biologiques. 

L'étude conclut que les cultures biologiques présentent, en moyenne, des concentrations plus élevées d'antioxydants, des concentrations plus faibles de Cadmium et une teneur plus faible de résidus de pesticides que les cultures non biologiques, et ce, pour toutes les régions et toutes les saisons de production.

M. Baranski and al., Higher antioxidant and lower cadmium concentrations and lower incidence of pesticide residues in organically grown crops: a systematic literature review and meta-analyses, British Journal of Nutrition 2014, 112(5):794-811. 

Rapport de l’étude réalisée par l’INRA à la demande des ministères en charge de l’Agriculture et de l’Ecologie, janvier 2013.