jurisprudence

Par un arrêt du 15 novembre 2022, le Conseil d'Etat a annulé le décret n° 2019-1519 du 30 décembre 2019 listant les substances actives interdites car présentant des modes d'action identiques à ceux de la famille des néonicotinoïdes, en l'occurrence le sulfoxaflor et le flupyradifurone.

C'est essentiellement pour le non-respect de la procédure européenne que la censure du texte est prise. La décision reproche en effet aux autorités françaises de n'avoir pas valablement mis en oeuvre la procédure de sauvegarde de l'article 71, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1107/2009 permettant d'interdire à titre exceptionnel des substances pourtant approuvées au niveau européen. 

Les juges estiments qu'à défaut de comporter une présentation claire des éléments attestant que les deux substances en cause sont susceptibles de constituer un risque grave pour la santé humaine ou animale ou pour l'environnement et que ce risque ne peut être maîtrisé de façon satisfaisante sans l'adoption, en urgence, des mesures d'interdiction envisagées, la notification du projet de décret en litige ne peut être regardée comme constituant l'information officielle de la Commission européenne de la nécessité de prendre des mesures de sauvegarde.

Depuis, le sulfoxaflor a été interdit au niveau européen, sauf sous serres. Le flupyradifurone lui se trouve en conséquence réautorisé.

Conseil d'État, 15 novembre 2022, n° 439133 et 439210

À la suite de l'arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 19 janvier 2023 (CJUE, 19 janv. 2023, aff. C-162/21), le Conseil d’État a jugé que les dérogations pour l’utilisation de néonicotinoïdes - interdits en France et en Europe depuis 2018 - pour la culture de betteraves sucrières qui avaient été temporairement accordées en 2021 et 2022 (A. n° AGRG2104041A, 5 févr. 2021 et A. n° AGRG2202952A, 31 janv. 2022) sont désormais illégales. Il n'est depuis plus possible d'accorder la moindre dérogation 120 jours à une substance que la Commission européenne a formellement interdit.

Conseil d'Etat, 3 mai 2023, n° 450155.

C'est un tournant majeur, ordonné par la justice, de la politique phytosanitaire européenne. Par une décision du 19 janvier 2023, la Cour de justice de l'Union vient de mettre un terme à la possibilité pour les Etats d'autoriser de manière dérogatoire les semences traitées avec des substances interdites, comme le sont celles de la classe des néonicotinoïdes. Pour trancher ainsi, les juges rétrécissent le champ d'application de l'article 53 du règlement n° 1107/2009 sur le fondement duquel les Etats membres continuaient d'autoriser, pour 120 jours, la commercialisation et l'usage de substances pourtant expressément bannies par les instances européennes (règlement d’exécution (UE) 2018/784 pour la « clothianidine" et règlement d’exécution (UE) 2018/785 pour le « thiaméthoxame »). 

Pour rappel, l’article 53 du règlement, intitulé « Situations d’urgence en matière de protection phytosanitaire », dispose que "par dérogation à l’article 28 et dans des circonstances particulières, un État membre peut autoriser, pour une période n’excédant pas cent vingt jours, la mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques en vue d’un usage limité et contrôlé, lorsqu’une telle mesure s’impose en raison d’un danger qui ne peut être maîtrisé par d’autres moyens raisonnables".

Interprétant la portée de cette disposition, les juges européens mitraillent :

La Cour en conclut au final que l’article 53 du règlement n° 1107/2009 "doit être interprété en ce sens qu’il ne permet pas à un État membre d’autoriser la mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques en vue du traitement de semences, ainsi que la mise sur le marché et l’utilisation de semences traitées à l’aide de ces produits, dès lors que la mise sur le marché et l’utilisation de semences traitées à l’aide de ces mêmes produits ont été expressément interdites par un règlement d’exécution". 

En clair, un Etat ne saurait, à son niveau, réintroduire par la petite fenêtre un produit que l'Europe a clairement mis à la porte.

Une interprétation contraire reviendrait, d’une part, à contrevenir à l’objectif de ce règlement de garantir un niveau de protection élevée de la santé et de l'environnement au nom du principe de précaution. D’autre part, à faire primer l’amélioration de la production végétale sur la prévention des risques pour la santé humaine et animale ainsi que pour l’environnement que pourrait induire l’usage des semences traitées à l’aide des produits phytopharmaceutiques, dont la nocivité a été avérée.

La portée de cette décision est évidemment considérable puisqu'elle sape le fondement des autorisations  nationales dérogatoires que des Etats, comme la France ou la Belgique, maintenaient pour certaines de leurs filières (betteraves sucrières). "Pas d'interdiction sans solution" clamait le ministre de l'agriculture français. "Pas de solution sans interdiction" rétorque l'autorité judiciaire européenne.

Au niveau européen, seul subsiste l’ acétamipride de la famille des néonicotinoïdes, l’EFSA ayant établi ici un faible risque pour les abeilles, ne justifiant pas de restrictions particulières de cette substance. L'approbation de celle-ci a d'ailleurs été renouvelée par un réglement jusqu’au 28 février 2033. Cette molécule revient dorénavant dans le débat puisque certains Etats vont continuer à l'utiliser, à défaut d'autres solutions, quand la France a choisi d'exclure, par principe, tous les néonicotinoïdes. Mais si erreur il y a bien eu, c'est celle du gouvernement, comme de la filière qui faisait pression sur lui, de ne pas juger bon de réintroduire cette substance en 2020 (en même temps que celles dangereuses), alors qu'elle avait obtenu un renouvellement d'autorisation en 2018 pour toute l'Europe. Personne à l'époque ne s'en est ému, quand bien même la dérogation pour les susbtances interdites conçue par la France ne valait que pour 3 campagnes.  La situation actuelle allait donc inévitablement se produire dans quelques mois à peine.

Pour une analyse plus détaillée: B. Grimonprez, Néonicotinoïdes : la Cour de justice de l'Union européenne siffle la fin de la dérogation, Le Club des juristes, 30 janv. 2023.

CJUE, 19 janvier 2023, Aff. C‑162/21.


Selon une décision de la Cour de justice de l'Union européenne du 19 janvier 2023, les États membres de l'UE peuvent, sans contrariété avec le règlement sur les produits biocides (PE et Cons. UE, règl. (UE) n° 528/2012, 22 mai 2012, concernant la mise à disposition sur le marché et l'utilisation des produits biocides) et la liberté de circulation des marchandises (TFUE, art. 34 et 36), adopter des réglementations plus strictes en matière de promotion et publicité de produits biocides à destination du grand public, à condition qu'elles s'inscrivent dans un objectif de protection de la santé, de la vie des personnes et de l'environnement et qu'elles sont proportionnées à celui-ci. Toutefois, elle estime qu'une réglementation nationale ne saurait imposer une mention supplémentaire pour leur publicité à destination des professionnels. 

L'affaire concernait deux décrets français de 2019 encadrant les pratiques commerciales et la publicité de certains types de produits biocides (D. n° 2019-642, 26 juin 2019 et D. n° 2019-643, 26 juin 2019). Le Comité interprofessionnel des huiles essentielles françaises et certains fabricants d'huiles essentielles avaient alors demandé leur annulation en arguant de leur incompatibilité avec la réglementation européenne. 

Saisi, le Conseil d'État avait renvoyé une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne (CE, 5 mars 2021, n° 433889 et 433890). 

Dans sa décision du 19 janvier 2023, la CJUE affirme deux choses :

- en premier, que le réglement sur les biocides de 2012 (art. 72) et le TFUE (art. 34 et 36) ne s'opposent pas à une réglementation nationale qui interdit certaines pratiques commerciales, notamment la publicité à destination du grand public, concernant les produits biocides relevant de certaines catégories dès lors que cette réglementation est justifiée par des objectifs de protection de la santé et de la vie des personnes ainsi que de l'environnement, qu'elle est propre à garantir la réalisation de ces objectifs et qu'elle ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour les atteindre

- en second, que le droit européen en revanche s'oppose à une réglementation nationale qui exige l'apposition d'une mention supplémentaire à celle prévue par celui-ci sur la publicité à destination des professionnels en faveur de produits biocides relevant de certaines catégories,

CJUE, 19 janvier 2023, aff. C-147/21, CIHEF e.a.

Dans un avis du 7 novembre 2022, la Commission nationale de déontologie et d'alertes en santé publique et environnement estime incomplète l'évaluation des risques des produits pesticides. Selon la cnDAspe, « les méthodes suivies pour évaluer les risques pour la santé et pour l'environnement associés à ces pesticides ne répondent pas aux exigences du législateur européen », ni à l'interprétation qu'en a fait la Cour de justice de l'Union européenne dans un arrêt de 2019.

Elle préconise ainsi de rendre publics, « pour chacune des substances actives dont elle a proposé l'homologation (…), la liste des différentes utilisations et préparations commerciales qui ont fait l'objet d'une évaluation des risques pour la santé humaine et pour l'environnement », ainsi que les résultats de ces évaluations prenant en compte les effets potentiels du cumul de leurs composants.

Cette même instance demande à l'Anses à prendre aussi en compte les effets potentiels du cumul des divers composants lors des demandes d'autorisation de mise sur le marché.

Avis sur la saisine « Sous-évaluation chronique de la toxicité des pesticides en France », 7 nov. 2022

Dans une ordonnance de référé du 25 février 2022, le Conseil d'Etat valide l'arrêté du 31 janvier 2022 autorisant provisoirement l'emploi de semences de betteraves sucrières traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant les substances actives imidaclopride ou thiamethoxam pour la campagne 2022.

Le juge estime, à la suite de la loi n° 2020-1578 du 14 décembre 2020 ayant autorisé temporairement l'utilisation de ces pesticides pour les betteraves sucrières, que le risque d'une nouvelle infestation massive par des pucerons porteurs des maladies de la betterave au printemps 2022 est sérieux et qu'il n'existe pas encore, à ce stade, malgré les recherches en cours, de solutions alternatives suffisamment efficaces pour éviter les dommages graves subis en 2020 par ces cultures.

Il relève par ailleurs que l'usage des semences, autorisées pour les seules betteraves sucrières, est limité à 120 jours en 2022 et qu'il est soumis au respect des règles encadrant l'utilisation des pesticides, notamment pour le respect des distances par rapport à des zones d'habitation ou à des cours d'eau.

Conseil d'Etat, Ordonnance de référé, 25 février 2022, n° 461238.

A la suite du tribunal administratif de Nice (TA, 12 nov. 2019), la Cour d'appel de Marseille a confirmé début janvier 2022 l'annulation des autorisations de mise sur le marché (AMM) de deux insecticides à base de sulfoxaflor : le Closer et le Transform. Les juges ont estimé  que "les conditions d’emploi des produits s’avèrent insuffisamment précises et contraignantes pour garantir une utilisation sans risque pour les insectes pollinisateurs".

La décision ne surprend pas dès lors que, dans la lignée de la loi Egalim du 30 octobre 2018, un décret n° 2019-1519 du 30 décembre 2019 avait déjà interdit le flupyradifurone et le sulfoxaflor en tant que substances apparentées à la famille des néonicotinoïdes.

Saisi par l'industriel américain FMC Corporation, le tribunal de l'Union européenne confirme le non-renouvellement en 2017 par la Commission de l'approbation de la substance Flupyrsulfuron-méthyleau considérée comme cancérogène et reprotoxique.

Trib. UE, 17 mars 2021, n° T-719/17, FMC Corporation c/ Commission.


La European Union Copper Task Force, autrement dit l'association des fabricants de cuivre, a saisi le Tribunal de l'UE pour contester la décision de la Commission européenne d'autoriser le cuivre comme substance dont on envisage la situation. Le Tribunal de l'Union tranche en faveur de la Commission.


En raison de son impact sur le sol et surtout de sa forte persistance dans l'environnement, le cuivre, substance naturelle dont l'usage est autorisé en agriculture biologique, fait partie des substances risquées bien qu'homologuées. La Commission européenne avait en effet décidé en 2015 de classer le cuivre parmi les substances dont on envisage la substitution. Ces substances sont homologuées pour moins longtemps (7 ans maximum contre 15 classiquement) et doivent, à terme, disparaître du marché pour être remplacées par des substances moins dangereuses.

La Copper Task Force considérait que les méthodes utilisées pour qualifier le cuivre comme substance dangereuse pour l'environnement n'étaient pas adaptées au caractère "naturel du cuivre". Selon l'association, les critères conduisant à le classer comme substance PBT (persistante, bioaccumable et toxique) n'étaient pas appropriés. 


Tenu par le simple contrôle de l'erreur manifeste, le Tribunal reconnait que les méthodes utilisées par les instances de l'UE ne font pas consensus, mais refuse d'y voir une faute de la part de la Commission européenne. Il rejette la demande de l'association de producteur et rappelle par ailleurs  "que le présent recours s’inscrit dans un contexte technique et scientifique complexe à caractère évolutif. Dès lors, il est de jurisprudence constante que les autorités de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation, notamment quant aux éléments factuels d’ordre scientifique et technique hautement complexes pour déterminer la nature et l’étendue des mesures qu’elles adoptent." (Point 64). 


Tribunal de l'Union Européenne, 13 octobre 2021, T-153/19

Réintroduction dérogatoire des néonicotinoïdes : l'EFSA approuve les autorisations d'urgence concernant la betterave sucrière

L'Union européenne a interdit en 2018 l'utilisation en extérieur de l'imidaclopride, du thiaméthoxame et de la clothianidine. Par la suite, plusieurs Etats membres ont délivré des dérogations d'urgence (dites "120 jours") permettant l'utilisation de ces substances.  

En 2020, la Commission européenne avait demandé à l'EFSA d'évaluer si les autorisations d'urgence accordées par les États membres étaient justifiées en raison d'un danger pour les cultures « qui ne pourrait être contenu par aucun autre moyen raisonnable », conformément au règlement de l'UE sur l’utilisation de produits phytopharmaceutiques. Au total, 17 autorisations d'urgence étaient scrutées pour des produits phytopharmaceutiques contenant de la clothianidine, de l'imidaclopride, du thiaméthoxame et du thiaclopride, accordées par l'Allemagne, la Belgique, la Croatie, le Danemark, l'Espagne, la Finlande, la France, la Lituanie, la Pologne, la Roumanie et la Slovaquie.

Dans tous les cas, l'EFSA a conclu que les autorisations d'urgence étaient justifiées, soit parce qu'aucune méthode ou produit alternatif – chimique ou non chimique – n'était disponible, soit parce qu'il existait un risque que l'organisme nuisible développe une résistance aux produits alternatifs disponibles.

Communiqué, EFSA, 18 novembre 2021.

L’Union des industries de la protection des plantes et certaines filières agricoles ont contesté la compatibilité de l’intervention du législateur pour interdire les néonicotinoïdes avec le droit européen.  Pour rappel, seule la Commission européenne est compétente pour interdire des substances actives : les Etats-membres ne pouvant que prendre des mesures d'urgence provisoires en cas de danger pour l'environnement.


Dans une décision sur question préjudicielle, la Cour de Justice de l’Union Européenne avait préalablement considéré que la France s’était fondée sur l’article 71 du règlement n°1107/2009 du 21 octobre 2009 prévoyant des mesures d’urgence temporaires pour interdire les néonicotinoïdes, et en avait loyalement informé la Commission européenne. Elle ajoutait que la Commission n’avait toujours pas pris de mesures pour répondre aux sollicitations françaises pour agir sur les néonicotinoïdes (CJUE, 8 oct. 2020, aff. C-514/19, Union des Industries de la Protection des Plantes c/ Premier ministre, min. Transition écologique et solidaire, min. Solidarités et de la Santé, min. Agriculture et Alimentation, ANSES : JurisData n° 2020-015607). 


Statuant au fond, le Conseil d’Etat reprend cette analyse et considère qu’en l’absence de mesure prise par la Commission pour restreindre l’exposition des pollinisateurs aux néonicotinoïdes, l’interdiction de l’usage de produits contenant des substances néonicotinoïdes prévue par le législateur « doit être regardée comme une mesure d’urgence conservatoire et provisoire » (CE, 12 juillet 2021, n° 424617) compatible avec le droit européen.

 

CE, 12 juillet 2021, n° 424617.

Par un arrêt du 29 juin 2021, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté les requêtes de la société Bayer Seeds (auparavant Monsanto) et de l'Anses contre le jugement du tribunal administratif de Lyon ayant annulé la décision de mise sur le marché du Roundup Pro 360 de Monsanto, herbicide à base de glyphosate.

Selon la Cour, "un produit phytopharmaceutique qui méconnaît les exigences du principe de précaution garanti par l’article 5 de la Charte de l’environnement ne peut légalement bénéficier d’une autorisation de mise sur le marché". En conséquence, il appartient au juge de vérifier l'application de ce principe, en s'assurant de la réalité des procédures d'évaluation du risque mises en œuvre et de l'absence d'erreur manifeste d'appréciation dans le choix des mesures de précaution.

S'agissant du produit incriminé, le dernier état des connaissances scientifiques disponibles au jour de l’autorisation litigieuse était de nature à accréditer l’hypothèse d’un risque d’atteinte à l’environnement lié à l’usage du glyphosate et de celui associé à d’autres coformulants, susceptible de nuire de manière grave à la santé. Or ce risque n’a pas été évalué avant l’AMM du Roundup Pro 360, ce produit ayant été dispensé d’évaluation en tant que « produit de revente » du Typhon, pour lequel les évaluations dataient de 2008 à 2013. 

CAA de Lyon, 3ème chambre - n° 19LY01017-19LY01031 - Société Bayer Seeds SAS - Agence Nationale de Sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, 29 juin 2021

Dans une décision du 6 mai 2021, la CJUE rejette le pourvoi de la société Bayer CropScience et confirme la décision du Tribunal de l’Union européenne relative aux restrictions de l’utilisation posées par la Commission de trois néonicotinoïdes (v. résumé ci-dessous).

La Cour rappelle d'abord, qu’en vertu du règlement n°1107/2009, la Commission peut appliquer, lorsqu’il existe une incertitude scientifique quant aux risques que font peser les produits phytopharmaceutiques sur la santé humaine, animale ou l’environnement, le principe de précaution, lequel implique que des mesures de protection peuvent être prises sans attendre que la gravité et les risques en question soient démontrés, ni qu’une évaluation exhaustive soit exigée.   

Sur le respect du principe de proportionnalité, la Cour confirme que la Commission, dans le cadre du principe de précaution, bénéficiait d’une large marge d’appréciation et qu’aucune forme ou modalité particulière n’est prescrite par le règlement n°1107/2009 quant à l’évaluation des avantages et des charges découlant de l’action envisagée ou de l’inaction.

CJUE, 6 mai 2021, affaire C 499/18 P: note Y. Petit, Revue de droit rural 2021, comm. 229.

Le Conseil d’État juge que l’arrêté ministériel pris à la suite de la loi du 14 décembre 2020 ayant réintroduit les néonicotinoïdes, dès lors qu'il se borne à préciser les modalités de l'utilisation de ces substances pour l’année 2021, n’est contraire ni à la Constitution ni au droit européen.

Le juge des référés estime que l’arrêté attaqué se contente de mettre en œuvre cette autorisation pour la campagne 2021. Il ne porte, par lui-même, aucune atteinte grave et manifestement illégale à la liberté du commerce et de l’industrie et au droit de propriété des éleveurs d’abeille.

 CE, ord. 15 mars 2021, n°s 450194 et 450199

Commentaire : B. Grimonprez et I. Bouchema, Néonicotinoïdes : 120 jours de plus pour semer !, Droit de l'environnement avr. 2021, p. 156.

Au nom du principe de loyauté et de coopération loyale entre états membres et commission européenne, une communication faite par un État à la commission sur la base d'une disposition erronée est valable si elle permet à la commission de comprendre ce dont il s'agit et d'en tirer les conséquences. 

CJUE, 8 oct. 2020, aff. C-514/19, Union des Industries de la Protection des Plantes c/ Premier ministre, min. Transition écologique et solidaire, min. Solidarités et de la Santé, min. Agriculture et Alimentation, ANSES : JurisData n° 2020-015607.

Commentaire : C. Lepage, Énergie - Environnement - Infrastructures n° 12, Décembre 2020, comm. 48 ; Y. Petit, Revue Droit rural 2021, comm. 67.


La Région Bruxelles-Capitale n’est pas recevable à demander l’annulation du règlement d’exécution de la Commission renouvelant l’approbation de la substance active glyphosate. Elle n’a pas démontré qu’elle était affectée directement et individuellement par cette décision.

CJUE, 3 déc. 2020, affaire C-352/19 P, Région de Bruxelles-Capitale/Commission

Le tribunal administratif de Nice a justifié, en application du principe de précaution, l'annulation pure et simple d'autorisations administratives de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) de mise sur le marché de plusieurs pesticides contenant du sulfoxaflor. Le tribunal a considéré que la substance litigieuse, qui a pour effet d'agir sur le système nerveux central des insectes, était susceptible de présenter un risque de toxicité important pour les insectes pollinisateurs. L'ANSES faisait valoir que l'utilisation de l'insecticide est assortie de mesures d'atténuation des risques grâce aux recommandations d'emploi à l'attention des utilisateurs, telles que l'absence d'application du produit durant la période de floraison. Cependant pour les juges, « ces mesures ne peuvent être regardées comme suffisantes dès lors qu'elles présentent une portée générale et ne sont assorties d'aucune obligation pour les utilisateurs du produit ». 

TA Nice, 29 nov. 2019, n° 1704687

En réponse à une question prioritaire du Tribunal correctionnel de Foix sur la validité du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, la CJUE,  par une décision du 1er octobre 2019, a déclaré que la procédure d’autorisation de mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique doit comprendre une appréciation des effets propres des substances actives qu’il contient ainsi que des effets cumulés de ces substances entre elles et de leurs effets avec ses autres composants.

Par ailleurs la Cour a précisé qu’un tel produit ne pouvait être autorisé qu’à condition qu’il ne démontre pas une forme de carcinogénicité ou de toxicité à long terme.

Enfin, les autorités doivent se prononcer en tenant compte « des données scientifiques disponibles les plus fiables ainsi que des résultats les plus récents de la recherche internationale et de ne pas donner dans tous les cas un poids prépondérant aux études fournies par le demandeur. »

CJUE, 1er octobre 2019, affaire C-616/17, Jurisdata n°2019-019515

Commentaire : Y. Petit, Revue de droit rural n° 481, mars 2020, comm. 62.



Le produit, en son ensemble, est nettement plus toxique pour les organismes aquatiques, suspecté d'être reprotoxique et probablement cancérogène pour l'homme. Ces risques méconnaissent le principe de précaution, consacré à l'article 5 de la Charte de l'environnement et à l'article L. 110-1 du Code de l'environnement. 


TA Lyon, 15 janv. 2019, n° 1704067, Comité de Recherche et d'Information Indépendantes sur le Génie Génétique : JurisData n° 2019-000167.


A la suite d’un rapport rendu par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) qui identifiait des risques pour la santé des abeilles du fait de l’utilisation des substances actives clothianidine, thiaméthoxame et imidacloprid de la famille des néonicotinoïdes, la Commission européenne a, par un règlement d’exécution (UE) n° 485/2013 du 24 mai 2013, restreint considérablement leur utilisation. Le Tribunal de l’Union européenne, saisi en annulation de ces restrictions, a jugé que les risques constatés par l’EFSA justifiaient ces mesures et a par conséquent rejeté le recours.

Tribunal de l’Union européenne, 1re chambre, 17 mai 2018, n° d'affaire T-429/13 et T-451/13, n° JurisData 2018-010033.

Commentaire : Y. Petit, En faisant prévaloir le principe de précaution, le Tribunal justifie les restrictions imposées à l'utilisation de trois néonicotinoïdes (clothianidine, imidaclopride et thiaméthoxam), RD rur. n° 467, nov. 2018, comm. 210.


Saisi par soixante députés et soixante sénateurs pour inconstitutionnalité de certaines dispositions de la Loi n°2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, le Conseil constitutionnel a jugé conforme à la Constitution les dispositions interdisant l’utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes.

Décision n°2016-737 DC du 4 août 2016.