Droit de la responsabilité
Inefficacité des biopesticides : absence de manquement du vendeur à ses obligations
Le contentieux opposait un domaine viticole en agriculture biologique à un vendeur de produits à base d'extraits naturels qui les lui avait fournis pour traiter ses vignes contre le mildiou. Au regard de la destruction d’une partie du vignoble par ce champignon, l'exploitant viticole avait refusé le paiement du prix des produits au motif de leur caractère défectueux et du manquement du vendeur à son obligation de conseil.
Les juges, successivement de première instance et d'appel, donnent tort au viticulteur. Non seulement, les produits en cause ne présentaient pas un caractère défectueux au sens du Code civil, c'est-à-dire un défaut de sécurité pour l'acheteur, mais aucun manquement à l’obligation de conseil n'avait pu être relevé par les magistrats, compte tenu notamment du fait que toutes les préconisations d’utilisation des produits n’avaient pas été observées par l'acheteur.
CA Aix-en-Provence, 20 juin 2017, n° 15/18067 : JurisData n° 2017-015621.
Efficacité des produits de biocontrôle : le fournisseur n'est tenu qu'à une obligation de moyens
Après avoir confié à une entreprise spécialisée la mise en place d'un dispositif de protection intégrée biologique de ses cultures, une exploitation horticole l'avait assignée en paiement de dommages et intérêts en raison de l'inefficacité des méthodes utilisées. Débouté en première instance, le demandeur voit également son action rejetée en appel au motif que la réussite d'un programme de protection biologique intégrée est assortie de nombreux aléas qui rendent son efficacité relative. De sorte que l'entreprise chargée de la conduite du programme de protection biologique n'était tenue que d'une obligation de moyens, ce qui implique, pour engager sa responsabilité, la preuve qu'elle a commis une faute.
CA Rennes, 15 janv. 2016, n° 12/04661.
Réparation du préjudice d'anxiété du salarié en raison de l'exposition à des substances toxiques
En application des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, le salarié qui justifie d'une exposition au benzène ou à une autre substance toxique ou nocive, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité. Le salarié doit justifier d'un préjudice d'anxiété personnellement subi.
Ne donne pas de base légale à sa décision, la cour d'appel qui, pour allouer aux salariés une indemnité en réparation de leur préjudice d'anxiété, se détermine par des motifs généraux, insuffisants à caractériser le préjudice personnellement subi par les salariés, résultant du risque élevé de développer une pathologie grave.
Confirmation en appel de la condamnation de la société Monsanto à verser 25 millions de dollars à un ancien utilisateur du Round up
Le 14 mai 2021, la Cour d’appel de San Francisco confirme le jugement du 27 mars 2019 condamnant la société Monsanto à verser 25 millions de dollars à Edwin Hardeman. Ce dernier soutenait que son lymphome non hodgkinien était dû à son utilisation du Round up et reprochait à la société l’absence d’avertissement sur l’étiquette du produit concernant sa dangerosité.
Cour d’appel de San Francisco, affaire 19-16636, 5 mai 2021.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 a créé, à compter du 1er janvier 2020, un fonds d’indemnisation des victimes de pesticides. La publication du décret du 29 novembre 2020, définissant les modalités d’organisation et d’instruction des demandes devant le fonds d’indemnisation, rend le dispositif pleinement opérationnel pour les bénéficiaires potentiels.
Cour de cassation, 1re ch. civ., 21 octobre 2020, n° 19-18689 : affaire Paul François c/ Monsanto
Par un arrêt du 21 octobre 2020, la Cour de cassation rejette le pourvoi de la société Monsanto condamnée à réparer l’entier préjudice subi par un agriculteur du fait d’un herbicide commercialisé par la firme.
La solution repose sur une application inédite du régime de la responsabilité du fait des produits défectueux en matière de dommages causés par les pesticides. Pour exemplaire qu’elle soit, la décision n’en demeure pas moins d’une portée juridique limitée aux défauts flagrants d’information sur les risques des produits et aux cas d’intoxication aigüe.
Commentaires: B. Parance, "La responsabilité de Monsanto définitivement retenue dans la médiatique affaire du Lasso", JCP éd. G 2020, 1276; B. Grimonprez, "Responsabilité du producteur de pesticides : la dangerosité non signalée du produit est un vilain défaut", Revue de droit rural, janvier 2021, comm. 10 ; M. Bacache, "Le régime spécial des produits défectueux au secours des victimes de pesticides", Énergie - Environnement - Infrastructures n° 2, Février 2021, comm. 15.
A.-G. Farida, « Les limites de la responsabilité civile face aux risques sanitaires liés aux pesticides et l’opportunité de la création d’un fonds d’indemnisation », Revue juridique de l’environnement, 2020/HS20 (n° spécial), p. 233-248.
D. Roman, « Santé et environnement au travail : le cas des agriculteurs», RDSS, 2019, p.57
M. Bacache, « La responsabilité civile à l'épreuve des risques sanitaires liés aux pesticides », Énergie - Environnement - Infrastructures n°8, Juin 2018, Dossier
M. Lucas, L’usage par les juges français des connaissances scientifiques sur la dangerosité des pesticides, VertigO, Hors-série 27, décembre 2016.
B. Kresse, L’usage par les juges allemands de la connaissance scientifique sur la dangerosité des pesticides et des ondes électromagnétiques, VertigO, Hors-série 27, décembre 2016.
Contamination de parcelles en agriculture biologique : absence de lien de causalité
Une société civile d'exploitation agricole (SCEA), productrice de plants de pommes de terre en bio, avait perdu sa certification en raison d'une contamination de la récolte par un herbicide contenant du Clopiralyd, qu'un exploitant voisin situé à proximité immédiate des parcelles avait reconnu avoir utilisé.
Nonobstant, la SCEA est déboutée de sa demande en indemnisation du préjudice subi au motif, souverainement apprécié par les juges du fond, de l'absence de preuve que les pratiques de l'exploitant voisin étaient bien à l'origine de la contamination reprochée.