Rapports
Cartographie des utilisations des produits à base de cuivre en France en considérant leur application en agriculture biologique et conventionnelle
Le cuivre est une substance active dont l'autorisation a été renouvelée par le règlement d’exécution (UE) n° 2018/1981. En tant que substance candidate à la substitution, son autorisation est valable pour une période réduite de sept ans allant du 1er décembre 2019 au 31 décembre 2025.
Un rapport de l'ANSES pointe, quant à l'usage du cuivre, les disparités entre les filières et les modes de production agricole. Le cuivre est appliqué sur la quasi-totalité des surfaces en vigne de l’ensemble des bassins viticoles. En ce qui concerne les grandes cultures, le cuivre est particulièrement employé sur la pomme de terre, puisque 75 % des surfaces en agriculture biologique sont concernés, contre seulement 0,1 % en agriculture conventionnelle, tandis qu’en culture de fruits et légumes bio, la pêche détient le record absolu avec 100 % des surfaces concernées, suivie par la tomate et le melon, avec respectivement 90 et 73% des surfaces.
Or, selon une expertise de l'INRAE datée de 2018, "des concentrations excédentaires en cuivre ont des effets néfastes sur la croissance et le développement de la plupart des plantes, sur les communautés microbiennes et la faune des sols". Autant d'impacts qui ont motivé des restrictions réglementaires d'usage (plafonnement des doses applicables par hectare et par an) et même les interdictions de son usage phytosanitaire prononcées par certains pays européens (Pays-Bas, Danemark).
L'ANSES souligne également le principal obstacle à la réduction de son utilisation, à savoir la faible disponibilité d’alternatives non-chimiques apportant un niveau de protection comparable. L’utilisation des produits de biocontrôle demeure d'une efficacité limitée pour pouvoir se substituer complètement au cuivre.
Les filières biologiques sont dans la situation la plus complexe pour sortir de ce pesticide dès lors que des substances actives chimiques existent présentant un niveau d’efficacité comparable et même supérieur à celui du cuivre. Le problème est que le retrait de certaines de ces substances peut contribuer à faire augmenter la place du cuivre dans les filières conventionnelles. L’augmentation encouragée de la part de surfaces en cultures biologiques risque également d'accroître le besoin de trouver des solutions alternatives au cuivre.
Le rapport indique enfin que les alternatives reposent essentiellement sur la combinaison de différentes méthodes dans une logique de reconception des systèmes de cultures. Pareil changement peut nécessiter un accompagnement technique des agriculteurs. Enfin, les technologies visant à développer la résistance variétale sont amenées à jouer un rôle important dans les stratégies économes en cuivre.
Évaluation des actions financières du programme Écophyto: un bilan sévère
Dans un rapport daté de mars 2021 sur l’évaluation des actions financières du programme Ecophyto, les membres d’une mission incluant l'inspection générale des finances, le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAEER) et le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), jugent négativement « les résultats mesurés à l’aune de l’objectif quantitatif d’une réduction de 50 % des produits phytosanitaires d’ici 2025 ».
La mission reconnaît que les différentes versions d’Ecophyto ont permis de sensibiliser aux risques associés à l’usage des phytos, de promouvoir les pratiques alternatives et d’accompagner des retraits de substances ou des restrictions réglementaires. Toutefois, elle estime que les dispositifs d’accompagnement comme les fermes Dephy ou les fermes « 30 000 » ne sont pas suffisants et qu’ils ne peuvent « déboucher sur une massification des pratiques ou sur une transformation du conseil aux agriculteurs ».
La mission regrette aussi que ni les indicateurs choisis, ni les actions financées, ni la gouvernance générale du plan, ne semblent garantir les dimensions opérationnelles qui seraient nécessaires pour atteindre l'objectif fixé. Les rapporteurs dénoncent notamment l’absence d’un réel « chef de projet », « entraînant l’approbation tardive de la programmation annuelle (71 millions d’euros), un décalage dans le temps de sa mise en œuvre », et l’attribution de la gestion financière à des opérateurs dont les missions ne sont pas centrées sur Ecophyto.
Au regard de la crédibilité de l’action publique, la mission demande, dès 2023, la définition d’une nouvelle trajectoire à dix ans de réduction des phytos plus cohérente avec la nouvelle politique agricole commune (PAC) et l’ensemble des politiques conduites aux plans européen et national.
Rapp. CGEDD, CGAAER, IGF, Dufour, Ronceray, Gravier-Bardet, Hubert, Deprost, mars 2021.
Dans le cadre du programme Ecophyto II+, les ministères en charge de la transition écologique, de l’agriculture et de la recherche ont confié en 2020 à INRAE et l’Ifremer le pilotage d’une expertise scientifique collective sur les impacts de ces produits sur la biodiversité et les services écosystémiques, depuis leurs zones d’épandage jusqu’au milieu marin, en France métropolitaine et en Outre-Mer.
Les conclusions de l'expertise confirment que l’ensemble des milieux terrestres, aquatiques et marins – notamment côtiers – sont contaminés par les produits phytopharmaceutiques. Des impacts directs et indirects de ces substances sont également avérés sur les écosystèmes et les populations d’organismes terrestres, aquatiques et marins. La contamination tend néanmoins à diminuer pour les substances interdites depuis plusieurs années.
Les travaux mettent aussi en avant des besoins de recherche complémentaires pour mieux quantifier l’impact de ces produits sur l’environnement. Ils soulignent par ailleurs l’existence de plusieurs leviers, liés à la réglementation, aux pratiques d’utilisation des produits et à la structure des paysages agricoles, efficaces pour limiter cette contamination et ses impacts, tout en garantissant la protection des récoltes, alors même que les systèmes de production agricole ne recourant pas aux produits phytopharmaceutiques sont encore trop limités.
Gestion des risques sanitaires liés aux pesticides et métabolites de pesticides dans les eaux destinées à la consommation humaine
Un avis du Haut conseil à la santé publique du 5 avril 2022 porte sur les situations de dépassement de la valeur limite réglementaire, dans les eaux destinées à la consommation humaine, pour un pesticide ou un métabolite de pesticide, pertinent ou non pertinent, pour lequel la valeur sanitaire maximale (Vmax) n’est pas disponible. Pour gérer rapidement, dans l’attente de l’élaboration de la Vmax par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) et des mesures de gestion pour un retour à la conformité, la Direction Générale de la Santé (DGS) suggère d’établir des valeurs sanitaires provisoires (VSP) destinées à aider les Agences Régionales de Santé dans leurs décisions de gestion.
Renouvellement de l’autorisation du glyphosate en Europe: la crédibilité du processus d'évaluation remise en cause
La Commission nationale déontologie et alerte en santé publique (CnDaspe), chargée de veiller à la déontologie de l'expertise scientifique et technique en matière de santé et d'environnement, a émis un avis très sévère sur la procédure de réévaluation du glyphosate. Celle-ci n'aurait pris en compte qu'une toute petite partie de la littérature scientifique internationale (10 %), reposant ainsi la question de l'indépendance de l'expertise réalisée.
La cnDAspe recommande ainsi au Gouvernement, dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne au premier semestre 2022, de demander à la Commission européenne et à ses partenaires de créer des comités indépendants qui auront pour missions:
- d’une part de vérifier l’absence de conflit d’intérêt des experts qui ont rédigé le pré-rapport d’évaluation adressé en juin 2021 à l’Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA);
- et d’autre part de vérifier la prise en compte impartiale de l’ensemble des données scientifiques disponibles en vue de porter un jugement sur les risques pour le vivant liés à l’utilisation du glyphosate.
Les insectes des zones de conservation de la nature aussi exposés aux pesticides
En Allemagne, le déclin de la biomasse des insectes a été observé dans des zones de conservation de la nature situées dans des paysages agricoles. L'un des principaux facteurs de causalité évoqués est l'utilisation de pesticides synthétiques dans l'agriculture conventionnelle.
Une étude de terrain menée à l'échelle de l'Allemagne a porté sur des zones de conservation de la nature adjacentes à des terres agricoles. Les chercheurs ont détecté 92 pesticides agricoles courants dans les pièges à insectes. Au total, les résidus de 47 pesticides d'usage courant ont été détectés, et les échantillons d'insectes étaient en moyenne contaminés par 16,7 pesticides.
Des résidus des herbicides métolachlor-S, prosulfocarb et terbuthylazine, ainsi que des fongicides azoxystrobine et fluopyram ont été enregistrés sur tous les sites. Le néonicotinoïde thiaclopride a été détecté dans 16 des 21 zones de conservation de la nature, très probablement en raison de son utilisation finale avant une interdiction à l'échelle européenne.
L'étude conclut qu'une réduction drastique des pesticides dans les larges zones tampons autour des zones de conservation de la nature est nécessaire pour éviter la contamination de leur faune d'insectes.
Les pesticides : principale cause de déclin des insectes
Une note scientifique publiée le 9 décembre 2021 de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) portant sur le déclin des insectes pointe le rôle des pesticides dans le phénomène. Selon ce document, « l'agriculture apparaît comme l'un des moteurs principaux du déclin des insectes, notamment à cause de l'usage excessif de pesticides ». Et de poursuivre : "Les pollutions de l’air, de l’eau et du sol contribuent largement au déclin des insectes et les pesticides (insecticides, herbicides, fongicides) ont une responsabilité particulièrement importante. Quelle que soit la nature des insecticides, leur toxicité inhérente engendre sur les insectes (notamment sur les pollinisateurs) des effets non ciblés".
Les néonicotinoïdes sont particulièrement incriminés. "Trois caractéristiques rendent les néonicotinoïdes (dont la mise sur la marché a été autorisée dans les années 1990 en Europe) particulièrement nocifs :
- leur spectre d’action est très large, ils sont toxiques à très faible dose41, leur action systémique les rend présents dans tous les organes de la plante (y compris le pollen et le nectar) et ils peuvent donc être ingérés par de nombreuses espèces d’insectes ;
- ils sont utilisés de façon prophylactique en début de culture (par exemple par enrobage des semences), indépendamment d’un risque avéré de pullulation des insectes ciblés et donc bien souvent inutilement42 ;
- leurs résidus ont une très longue rémanence dans l’environnement, notamment dans les sols43 où ils continuent à intoxiquer la faune longtemps après l’arrêt de leur utilisation44.
Outre les insecticides, les herbicides , les fongicides et les engrais contribuent largement au déclin des insectes, notamment en modifiant la flore utile. Les pesticides constituent une menace particulièrement importante pour les insectes en raison de leur utilisation intensive depuis des dizaines d’années et des réglementations inadaptées pour évaluer les risques qu’ils font encourir".
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), note scientifique n° 30, "Le déclin des insectes", 9 déc. 2021.
Etude du Joint Research Centre (le service scientifique de la Commission) sur l'évaluation de la stratégie de la Commission européenne "De la ferme à la table"
Barreiro Hurle, J., Bogonos, M., Himics, M., Hristov, J., Perez Dominguez, I., Sahoo, A., Salputra, G., Weiss, F., Baldoni, E. and Elleby, C., Modelling environmental and climate ambition in the agricultural sector with the CAPRI model, EUR 30317 EN, Publications Office of the European Union, Luxembourg, 2021, ISBN 978-92-76-20889-1, doi:10.2760/98160, JRC121368.
Réautorisation du glyphosate : les expertises préliminaires dédouanent l'herbicide
Selon l'expertise préliminaire fournie par quatre Etats rapporteurs (la Hongrie, la Suède, les Pays-Bas et la France), le glyphosate ne serait pas cancérogène, mutagène ou reprotoxique et ne remplirait pas les critères requis pour être considéré comme perturbateur endocrinien. Il revient désormais aux deux agences réglementaires européennes – l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) et l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) – d'examiner le dossier pour se prononcer sur la réautorisation de cette substance d'ici 2022.
Parallèlement, deux toxicologues autrichiens, Siegfried Knasmueller et Armen Nersesyan, ont procédé à la première évaluation indépendante des cinquante-trois études réglementaires confidentielles de génotoxicité ayant permis la réautorisation de l’herbicide en 2017. Ils pointent que la grande majorité des études ne remplissent pas les critères de qualité qui étaient en vigueur à leur époque, tandis que 2 seulement dataient de moins de 10 ans.
Lien entre pesticides et cancer de la prostate : l'avis de l'Anses
Dans le cadre de sa nouvelle mission d’expertise pour la reconnaissance des maladies professionnelles, l'Anses a rendu un avis et un rapport d'expertise collective datés du 9 mars 2021, par lesquels elle conclut à une relation causale probable entre le risque de survenue du cancer de la prostate et l’exposition aux pesticides dont le chlordécone.
Ces éléments scientifiques seront utilisés pour la création d’un tableau des maladies professionnelles dans les régimes agricole et général.
La Commission européenne envisage l’élaboration d’un nouveau cadre juridique pour les nouvelles biotechnologies
Suite à la décision du 25 juillet 2018 de la CJUE soumettant les organismes obtenus par mutagenèse à la réglementation des OGM, la Commission a rendu une étude sur le statut des nouvelles techniques génomiques dans le droit de l’Union européenne. L’étude soulève que ces dernières représentent de véritables atouts pour le Pacte vert et la stratégie « De la ferme à la table », dont l’objectif de réduction de l’utilisation des intrants, y compris les produits phytopharmaceutiques. Elle relève par la même occasion que la réglementation actuelle issue de la directive « OGM » 2001/18 n’est pas adaptée aux progrès scientifiques et technologiques. Ainsi la Commission en conclut qu’une adaptation dans les mécanismes d’évaluation des risques des nouvelles techniques génomiques pourrait être nécessaire. A l’issue de cette étude, la Commission entend mener une large consultation pour l’élaboration d’un nouveau cadre juridique relatif aux nouvelles biotechnologies.
Commission européenne, « Étude concernant le statut des nouvelles techniques génomiques dans le droit de l’Union et à la lumière de l’arrêt rendu par la Cour de justice dans l’affaire C-528/16 », 29 avril 2021.
Selon le dernier rapport, publié le 7 avril 2021, de l'EFSA sur les résidus de pesticides présents dans les aliments, sur les 96 302 échantillons analysés en 2019, 96,1 % se situaient dans les limites légales autorisées.
Dans le cadre du plan de sortie du glyphosate engagé par le gouvernement, l’Anses a lancé une évaluation des alternatives non chimiques à cet herbicide dont les résultats ont été rendus publics le 9 octobre 2020. L’usage de la substance est dorénavant restreint aux situations où le glyphosate n’est pas substituable à court terme. Ces restrictions sont désormais prises en compte par l’Agence pour délivrer les autorisations de mise sur le marché des produits à base de glyphosate.
J.-L. Fugit et J.-B. Moreau, Rapport d'information par la mission d'information commune sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate, 16 déc. 2020.
Bilan des plans Écophyto : le compte n'y est pas!
La Cour des comptes a dressé, le 27 novembre 2019, le bilan des trois plans Écophytos qui se sont succédés depuis 2008. En dépit des actions et des fonds mobilisés, la Cour relève que les résultats sont loin d’atteindre les objectifs fixés, soit une réduction du recours aux produits phytopharmaceutiques de 50 % en dix ans, reportée à l’échéance 2025, assortie d’un objectif intermédiaire de 25 % en 2020, tandis que la quantité des substances vendues a augmenté de 12 % entre 2009 et 2016 en France. Elle dénonce aussi un trop faible usage des pratiques économes en intrants, la portée incertaine des certificats d’économie des produits phytopharmaceutiques et les faibles pourcentages d’exploitations engagées dans des projets labellisés économes en intrants (12 % sur les 50 % fixés) et de surface agricole utile en agriculture biologique (7,5 % en 2018 sur les 20 % fixés).
Cour des comptes, « Le bilan des plans Écophyto »: référé n° S2019-2659, 4 février 2020.
D. Martin et G. Menuel, Rapport n° 852 de la Mission d'information commune sur l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, Assemblée nationale, 4 avr. 2018.